Le Dr Catherine DUCREUX nous propose la lecture du dernier rapport de la CIIVISE

La CIIVISE, avec d’autres, a déjà mis en évidence l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants par leur nombre et par leur gravité. 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. 5,5 millions de femmes et d’hommes adultes ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance, le plus souvent au sein de leur famille. Les conséquences sur leur santé et toutes les sphères de leur existence sont d’une extrême gravité et durent toute leur vie.
D’un certain point de vue, c’est leur vie. C’est leur problème. D’un autre, nos vies sont interdépendantes. C’est ce que les humains appellent la solidarité. C’est donc aussi notre problème.
Pourtant, cela ne suffit pas à mobiliser pleinement et durablement les institutions et le corps social.

L’impunité dont bénéficient les agresseurs sexuels s’appuie notamment sur le déni massif dont les violences sexuelles faites aux enfants font l’objet dans notre société depuis toujours. L’une des causes de ce déni est que nous pensons que les viols et les agressions sexuelles sont avant tout une affaire privée plutôt qu’un problème politique.
C’est un problème politique parce qu’il met en question l’ordre public, c’est-à-dire la tranquillité publique, la sécurité publique et la santé publique.
Pourtant, cela ne suffit pas à mobiliser pleinement et durablement les institutions et le corps social.

9,7 milliards d’euros, c’est ce que les agresseurs nous coûtent chaque année.

La CIIVISE, se référant aux travaux menés dans la lutte contre les violences faites aux femmes, a souhaité déterminer le coût économique annuel des violences sexuelles faites aux enfants.
9,7 milliards d’euros, c’est ce que coûtent, chaque année, les violences sexuelles faites aux enfants.
9,7 milliards d’euros, c’est ce que les agresseurs nous coûtent chaque année.
9,7 milliards d’euros, c’est le prix collectif que nous consentons à payer.
Formulé ainsi, cela contribuera peut-être plus efficacement à mobiliser les institutions et le corps social.

Ce chiffre n’est pas avancé pour produire un effet de sidération. Il doit être un levier pour renforcer les politiques publiques de protection des enfants et de lutte contre l’impunité des agresseurs.
Il est possible de réduire ce coût annuel, d’abord par la prévention des passages à l’acte : c’est l’un des quatre axes fondamentaux de l’action de la CIIVISE depuis sa création.

Sur ce plan, un engagement de grande ampleur est indispensable. Or, ce poste de coût est si minime qu’il n’a pu être pris en compte dans l’estimation du coût annuel des violences sexuelles faites aux enfants.

Le coût des conséquences à long terme des violences sexuelles sur la santé des victimes est de 6,7 milliards d’euros par an, soit 69,2% du coût total. L’absence de prise en charge adaptée du psycho traumatisme est la cause principale de ces conséquences à long terme [1]. Le présent perpétuel de la souffrance, dont la CIIVISE parle incessamment, doit être pris en compte d’abord par respect pour les victimes elles-mêmes, mais aussi pour son impact social et économique.
Réduire ces conséquences à long terme est donc une priorité de politique publique.

Pour cela, il faut repérer au plus vite les enfants victimes – c’est la première préconisation que la CIIVISE a formulée dans ses conclusions intermédiaires – les mettre en sécurité, et leur donner des soins adaptés.
Cet engagement sera aussi une reconnaissance pour les adultes qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance et qui ont confié leur témoignage à la CIIVISE. Leur parole aura été entendue lorsque les enfants seront réellement protégés.

En effet, la reconnaissance qui est due à ces femmes et à ces hommes et qui a conduit à la création de la CIIVISE comporte un double engagement : recueillir leurs témoignages et, ainsi, reconnaître leur dignité mais aussi, indissociablement, agir contre le déni par des politiques publiques et des pratiques professionnelles plus protectrices.
Ce double engagement est l’identité de la CIIVISE. Elle remplit sa mission en étant l’espace de solidarité des victimes et en leur étant fidèle par la formulation de préconisations réalistes, réalisables et engagées.

C’est pourquoi deux préconisations sont formulées dans cet avis :

  1. Organiser un parcours de soins spécialisés du psycho traumatisme pour les enfants victimes de violences sexuelles et les adultes qu’ils deviennent
  2. Maintenir la CIIVISE pour continuer de lutter contre l’invisibilisation des enfants victimes, lutter contre l’impunité des agresseurs, et promouvoir une culture de la protection.

Accéder au rapport complet de la CIVISE du 12 juin 2023

Plus d’info sur : https://www.ciivise.fr/

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