« Docteur, je n’arrive plus à respirer. Mon nez est bouché même si je sens qu’il n’y a plus d’obstacle. Je n’arrive plus à dormir, j’ai des crises d’angoisse, ma vie est devenue un enfer. »
Le syndrome du nez vide (SNV) est une pathologie qui semble rare mais avec des conséquences importantes pour le patient. Il se peut que Mickael Jackson en souffrait !
Il se définit « par une affection iatrogène qui se caractérise par l’apparition d’un cortège de symptômes nasaux, associé à un retentissement extranasal, survenant à plus ou moins brève échéance après un geste de réduction principalement des cornets inferieurs, mais aussi moyens, réalisé isolement ou associé à d’autres gestes sur les structures nasosinusiennes (septum nasal, sinus, pyramide et valve nasales) » (Avis d’experts).
Il a été décrit initialement par Kern en 1989 pour les patients qui avaient subi une exérèse totale de leur cornet, d’où le terme de nez vide (Image 1). Il aura fallu attendre 2012 pour que la SFORL le reconnaisse et établisse des recommandations qui ont été mises à jour en 2022 par la HAS, sur lesquelles se basent cet article.
Quels sont les symptômes décrits par les patients ?
- Nasaux : obstruction nasale paradoxale (obstruction ressentie malgré une fosse nasale largement perméable), sécheresse, croûtes, hypersensibilité muqueuse, douleur, rhinorrhée, troubles de l’odorat
- Extranasaux : dyspnée, troubles du sommeil, troubles de l’attention, anxiété, dépression, céphalées
Incidence
Son incidence est débattue, certaines études avec de larges populations ne retrouvaient aucun SNV après geste de réduction turbinale et d’autres rapportaient des taux de près de 20 %. Aucune étude à grande échelle n’a été menée à ce jour. On retiendra qu’il ne surviendra que rarement après un geste sur les cornets, dans les 2 ans après celui-ci. En effet, la majorité des patients ne développent aucun symptôme même après exérèse des cornets inférieurs et/ou moyens. Mais pourquoi en parler ici s’il est si rare ?
Car étant méconnu par les médecins même ORL, les patients ont une errance diagnostique longue. Durant ce temps, les patients voient leur qualité de vie s’altérer progressivement. Dans certains cas, on observe un repli sur soi-même, conduisant à une sortie de la vie professionnelle, familiale et sociale. Le patient risquera alors de développer un syndrome dépressif pouvant conduire jusqu’au suicide (plusieurs cas ont été rapportés).
Physiopathologie
Tout d’abord à quoi servent les cornets ? Ils permettent de réchauffer, humidifier l’air inspiré et filtrer les aéro-contaminants. Ils participent également à la résistance au flux d’air nasal enjeu du confort respiratoire. Il y aurait aussi des liens entre les centres nerveux respiratoires et les récepteurs sur la muqueuse nasale.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer le SNV : altération des capteurs du nerf trijumeau, baisse de la température dans les fosses nasales, modifications des vitesses et de la répartition du flux d’air nasal, baisse des résistances pulmonaires et origine neuropsychiatrique (conduites d’évitement, focalisation attentionnelle).
Diagnostic
Le diagnostic repose sur l’association des symptômes sus cités chez un patient ayant eu un geste sur les cornets dans les 2 ans précédant le début de ses symptômes.
Un test avec un coton humide posé dans la fosse nasale améliore habituellement la gêne ressentie.
D’autres pathologies rhinosinusiennes seront éliminées avec si besoin des examens complémentaires (scanner des sinus, rhinomanométrie, …).
L’appréciation du retentissement sur la qualité de vie familiale, sociale et professionnelle sera importante, ainsi que la recherche d’un syndrome anxio-dépressif.
Prise en charge
Une fois le diagnostic de SNV évoqué, la prise en charge sera pluridisciplinaire. L’ORL seul ne pourra bien souvent pas soigner le patient dans sa globalité.
L’avis d’un pneumologue est recommandé pour rechercher un syndrome d’hyperventilation associé.
En cas de besoin, le patient pourra être adressé à un psychologue ou un psychiatre.
Le médecin traitant sera souvent sollicité par le patient étant donné les plaintes multiples que le patient pourra présenter et des demandes d’arrêt de travail, le patient ne se sentant pas capable d’accomplir une tâche, son attention étant prise par sa respiration en continu et la fatigue chronique ressentie.
Pourront être essayer différents traitements locaux : lavage des fosses nasales, humidification, inhalation de menthol. Si ces mesures ne suffisent pas, des chirurgies visant à rétablir du volume dans les fosses nasales seront à discuter (implant, injection de PPF, …) Très peu d’études et avec de très faibles cohortes évaluent l’efficacité de ces traitements.
Prévention
Afin d’éviter la survenue du SNV, il conviendrait bien sûr d’éviter tout geste sur les cornets. Cependant lors d’une chirurgie sinusienne, le chirurgien ORL pourra être contraint de toucher au cornet moyen pour des causes tumorales ou anatomiques (accès limité au méat moyen par exemple).
De plus certains patients requièrent une réduction de volume de leurs cornets inférieurs hypertrophiés pour améliorer leur respiration nasale et un confort respiratoire. Si le patient consulte pour une obstruction nasale et en l’absence de cause architecturale (déviation septale, polype, tumeur), on débutera toujours par l’essai de différents traitements médicaux (spray nasal corticoïde, antihistaminique, lavage des fosses nasales au sérum physiologique). On recherchera une origine allergique qui est retrouvée chez 20 % de la population.
Uniquement dans le cas d’échec de ces thérapies et si une origine muqueuse à l’obstruction est suspectée, l’ORL pourra proposer un geste sur les cornets inférieurs. Aujourd’hui nous proposons des techniques chirurgicales respectueuses du cornet exceptionnellement pourvoyeuses de SNV (radiofréquence ou laser). Ce geste peut se faire sous anesthésie locale (image 2).
Il est également recommandé d’éliminer tout trouble somatique avant un geste chirurgical qui pourrait faire décompenser la situation.
Le syndrome du nez vide est en complication rare mais qui peut altérer significativement la vie d’un patient. Sa prise en charge fera appel à l’ORL mais aussi son médecin traitant, le pneumologue et un psychiatre potentiellement. Très peu de données sont disponibles à ce jour dans la littérature. Aujourd’hui tout patient bénéficiant d’un geste sur ses cornets doit être informé de ce risque. Des études sont nécessaires pour en connaître le mécanisme, l’incidence et évaluer les différentes thérapeutiques.

Image 1 : scanner des sinus en coupe coronale : Séquelle de turbinectomie totale inférieure droite, cornet inférieur gauche en place.

Image 2 : Turbinoplastie inférieure par radiofréquence
Dr. Maxime Zielinski ORL