Communication du 14 janvier 2021
La Société Française de Pédiatrie préconise la plus grande vigilance quant à l’impact possible des nouveaux variants « VOC 202012/01 » et « 501.v2 » sur la santé des enfants même si à ce jour, on ne dispose d’aucune donnée chiffrée sur l’épidémiologie spécifique chez l’enfant. A la lumière des quelques données aujourd’hui disponibles dans la littérature scientifique et des renseignements pris auprès des pédiatres du Royaume Uni, voici les informations dont nous disposons:
- Le «VOC 202012/01 » est estimé comme 56% (IC95% 50-74%) plus contagieux que le virus initial. Cette transmission accrue risque de provoquer une augmentation globale de l’incidence des cas de Covid. Seules des modélisations mathématiques sont disponibles à ce jour pour évaluer ce risque de diffusion encore plus rapide. On s’attend à un risque de contagiosité plus grand chez l’adulte comme chez l’enfant. [1,2]
- La gravité des formes de la maladie provoquée par ce nouveau variant ne semble pas différente par rapport au virus initial ni différente entre l’adulte et l’enfant. [1]
- Les rumeurs initiales d’une plus grande proportion d’enfants infectés n’ont pas été confirmées. La plus grande circulation du virus au Royaume Uni est responsable d’une augmentation du nombre absolu d’infections chez l’adulte comme chez l’enfant, même si ces derniers demeurent proportionnellement beaucoup moins souvent infectés que les adultes. [2,3]. Des tests de dépistages pratiqués plus largement chez l’enfant en France permettraient de mieux documenter la diffusion de ce variant aujourd’hui. La SFP a proposé en décembre un algorithme diagnostique précisant les indications des tests en cas de symptômes ou de contact avec sujet Covid + (Figure 1 ) (https://www.sfpediatrie.com/sites/www.sfpediatrie.com/files/medias/documents/algorithme_sfp_nov_2020.pdf)
- Les services hospitaliers pédiatriques anglais sont en sous activité par rapport aux années précédentes où à cette époque, les épidémies hivernales sont habituellement responsables de tensions hospitalières
- L’ensemble des services Français est également en sous activité (urgences pédiatriques, pédiatrie générale, chirurgie infantile, soins intensifs …) (Figure 2). Les hospitalisations et admissions en réanimation des enfants 0-14 ans restent < 1% du total des hospitalisations. [4]
- L’augmentation plus importante du taux de positivité des tests chez l’enfant en France observée par Santé Publique France (SPF) la dernière semaine de décembre (+5,1 points entre 0-14 ans et +2,4 points entre 10-44 ans) reflète possiblement des indications différentes de réalisation des tests chez le jeune enfant compte tenu de leur pénibilité (plutôt en cas de symptômes et peu en dépistage). C’est avant tout le taux d’incidence qu’il faut surveiller qui reste inférieur à la moyenne générale chez les 10-19 ans. L’incidence chez les 0-9 ans reste inférieure à 60/100000 sur les 3 dernières semaines, identique à celle de mi-octobre. (Figure 3) [5]. Pour autant, si une augmentation véritable avait été observée, elle aurait témoigné d’une contamination intra familiale durant les vacances de noël et aucunement en faveur du rôle de l’école dans la dissémination de la maladie.
- Si la fermeture des écoles était connue jusqu’alors comme un frein dans la propagation des infections virales habituelles, les particularités du Sars-CoV2, peu contaminant chez l’enfant assorties aux mesures barrières appliquées dans les écoles ne permettent pas de prédire l’efficacité potentielle d’une fermeture des écoles aujourd’hui. L’un des enseignements important de cette « expérimentation grandeur nature » à laquelle nous avons été contraints en 2020 est la remise en cause du rôle central des enfants dans la propagation des viroses hivernales (Figure 4). Nous constatons actuellement qu’en dépit de l’ouverture des crèches et des écoles maternelles que les enfants fréquentent sans masque, les virus de la bronchiolite ou de la grippe ne circulent pas, suggérant le rôle prépondérant des adultes dans leur diffusion [6].
- Les bénéfices potentiels d’une fermeture des écoles sont aujourd’hui difficiles à évaluer. Une telle mesure ne se justifierait que si ses bénéfices hypothétiques étaient jugés largement supérieurs aux effets délétères qui sont, eux bien établis car objectivés lors du premier confinement (augmentation des formes graves de violences intra familiales, du nombre des appels au 119, augmentation des accidents domestiques, des troubles nutritionnels, augmentation majeure des troubles anxio-dépressifs et des pathologies psychiatriques…) [7-9].
Ainsi, la Société Française de Pédiatrie préconise d’attendre que la menace soit réelle et vitale pour envisager la fermeture des écoles, (assortie d’un reconfinement total ?) tant la preuve de l’impact d’une telle mesure sur la diffusion de l’épidémie n’est pas établie et tant la balance bénéfice risque doit être prise en compte. La généralisation de la vaccination constitue un élément clef dans la maitrise de l’épidémie sans doute plus efficace que la fermeture des écoles où le SARS-Cov 2 n’a que très peu circulé depuis la rentrée des classes de septembre, avec peu de fermetures de classes et très peu d’enseignants malades quelques soit l’âge des enfants de leur classe (tableau 1). Comme nos collègues européens (10), nous préconisons la poursuite de la scolarisation dans le respect et l’optimisation des gestes barrières comme objectif prioritaire pour que les enfants ne fassent pas de nouveau les frais des effets indirects d’une infection qui ne les concerne que très peu et que leur rôle dans la chaine de contamination apparait aujourd’hui encore comme très modeste
Pr Christèle Gras-Le Guen, Pr Elise Launay, Pr Romain Basmaci, Société Française de Pédiatrie
Références :
- Nicholas G. Davies. Estimated transmissibility and severity of novel SARS-CoV-2 Variant of Concern 202012/01 in England Https://doi.org/10.1101/2020.12.24.20248822;
- Public Health England. Investigation of novel SARS-CoV-2 variant, Variant of Concern 202012/01 Technical briefing 2– 28 December 2020. PHE: London;2020
- https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/950424/Weekly_Flu_and_COVID-19_report_w1_FINAL.PDF
- Bulletin du réseau OSCOUR/Sante Publique France n 823 du 12/01/2021
- COVID-19 : point épidémiologique du 7 janvier 2021. Sante Publique France. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-7-janvier-2021
- Skurnik D, Rybak A, Yang DD, Pons S, Guedj R, Levy C, Cohen R, Gajdos V, Vasante L, Ouldali N, Angoulvant F. Unexpected lessons from the COVID-19 lockdowns in France: Low impact of school opening on common communicable pediatric airborne diseases. Clin Infect Dis. 2020 Dec 29:ciaa1899. doi: 10.1093/cid/ciaa1899.
- GIP Enfance en Danger – Snated Bilan relatif à l’activité du 119 – période de confinement. https://www.giped.gouv.fr/pdf/Etude-confinement-119-20mai2020.pdf
- Bryant DJ, Oo M, Damian AJ. The rise of adverse childhood experiences during the COVID-19 pandemic. Psychol Trauma Theory Res Pract Policy. 2020 Aug;12(S1):S193–4.
- Green P. Risks to children and young people during covid-19 pandemic. 2020 Apr 28;369:m1669.
- European Centre for Disease Prevention and Control. COVID-19 in children and the role of school settings in transmission – first update. Stockholm; 2020. © European Centre for Disease Prevention and Control. Stockholm, 2020




Figure 1 : Indications de tests diagnostiques chez l’enfant d’apres la SFP et le GPIP (https://www.sfpediatrie.com/sites/www.sfpediatrie.com/files/medias/documents/algorithme_sfp_nov_2020.pdf)