Permettre à nos patients de retrouver des soins. Quelle gageure !
Au Havre, on peut dire qu’on se démène pour les aider. (NDLR : ne pas rater, dans cette édition, l’interview du Dr Ratkoff-Rojnoff)
Tous ensemble, médecins généralistes, spécialistes, libéraux, hospitaliser, pharmaciens, kiné, infirmiers, sages femmes, on travaille dur pour être plus efficient. On a, je crois, trouvé pas mal de solutions et créé une ambiance attirante.
Mais, il y a tant de médecins qui partent en retraite que le compte n’y est pas encore.
Vous travaillez déjà beaucoup localement. Il n’est pas question de vous demander plus. Alors, comment trouver de nouvelles solutions ?
Il en reste de nombreuses mais elles se jouent maintenant au niveau national.
Et là c’est complexe !!!
La dégradation de la prise en charge de nos patients est tellement importante qu’on pourrait s’attendre à un travail entre partenaires pour inventer un projet de soin satisfaisant pour tous les patients. Malheureusement la méthode passe plutôt par un jeu d’attaque pour négocier ensuite en force. On ne construit pas ensemble, on attaque ou on se défend. La culture française de l’affrontement.
Pourtant c’est possible de monter un projet qui permettent de voir ces 12 000 0000 de patients en plus, un projet qui permet d’être payé honorablement, de travailler en coopération et de travailler plus sereinement. C’est loin d’être utopique. On a montré au Havre qu’on pouvait monter des projets bénéfiques à tous. Alors pourquoi ça ne le serait pas au niveau national ?
On a travaillé à cinquante, entre médecins, paramédicaux et collectivité (ARS et CPAM) pour réfléchir à des pistes. On n’est pas les seuls évidemment. Le Haut Conseil pour l’Avenir de la Sécurité Sociale, l’Ordre des Médecins, l’Académie de Médecine, pleins de médecins, les syndicats, ont tous travaillé sur des projets pour prendre en charge tous ces patients. Les solutions sont souvent similaires : Renforcer les moyens pour prendre en charge les patients complexes, favoriser le travail en équipe coordonnées, entraîner plus de médecins.
On est parti sur le projet suivant :
Aide Humaine en soutien du médecin traitant :
- Une aide financière pour un secrétariat qualitatif
- Une assistance médicale à mi-temps ou plein temps, entièrement payée par la CPAM
- Une infirmière Asalé à quart temps ou mi-temps.
Le médecin s’engage à prendre davantage de patients proportionnellement à la taille initiale de sa patientèle, à permettre une prise en charge du patient dans des délais adaptés à sa santé.
- Une IPA travaillant avec un partenariat de confiance avec les médecins.
Le médecin reçoit une aide pour les temps d’échange sur les problèmes du patient.
Tarif adapté en fonction de la complexité
- T0 (téléconsultation hors médecin traitant)
- T1 pour consultation pour tout médecin, augmenté selon l’inflation
- T2 longue 40 euros, pour tous les patients âgés de plus de 75 ans ou en ALD, 2 fois par an
- T2 longue 40 euros, 1 fois par an pour tout patient pour assurer une prise en charge poussée
- Maintien de la V Longue annuelle pour les patients dépendants à domicile ; Maintien des consultations complexes actuelles (maladie neuro dégénérative…)
Ce système permet de redonner aux médecins des moyens humains et financiers pour voir plus de patients dans de meilleures conditions, et redonner envie aux médecins, peu investis, de se relancer comme médecin traitant. Les médecins préférant travailler seul avec leurs patients, comme les médecins prêts à travailler en collaboration avec d’autres acteurs de santé, seront respectés et satisfaits
L’équilibre financier est obtenu
- En évitant aux patients sans médecins traitants d’avoir à consulter vers les services d’urgence ou de nuit.
- En évitant des consultations administratives inutiles
- En n’augmentant pas le forfait Médecin traitant
Les besoins de consultations de garde de nuit et de we réduisent naturellement car l’offre de soins dans la journée redevient effective.
S’il reste encore des patients sans médecins traitants, ou si les patients ne sont pas vus encore assez vite, la coordination avec les pharmaciens, infirmiers, kiné grâce aux protocoles de soins, se fera naturellement, et les IPA deviendront des alliés appréciés.
La bonne coordination des soins, pour éviter aux patients des parcours complexes, se fait grâce à :
- 👍 Une bonne entente entre les différents acteurs du soin quand chacun est respecté
- 👍 Une bonne régulation par le secrétariat du Médecin traitant ou par l’équipe de régulation du SAS (médecins et Osnp)
- 👍 L’utilisation de logiciels simplifiant la prise de rendez-vous pour les médecins généralistes ou spécialistes, prêts à prendre des patients en semi-urgence (si c’est justifié).
- 👍 Une indemnisation honnête de 15 euros suffit à retrouver des effecteurs dans la journée sans avoir à les forcer.
… Mais pour l’instant, on nous répond de toute part par des propositions très différentes …
Les députés proposaient un projet mettant fin à la bonne collaboration entre les médecins et les IPA. Heureusement des amendements des sénateurs devraient permettre de créer un climat de confiance.
La CPAM propose un projet peut être pertinent, mais imposant un modèle liberticide, plutôt qu’incitatif. De quoi faire fuir les jeunes médecins. On l’appelle l’engagement Territorial. Si vous ne le signez pas, vos revenus ne suivront pas l’inflation. Si vous signez vous serez augmenté ….
Avec ce contrat ça devient une obligation. Ce n’est pas, « Plus vous travaillez, plus vous êtes payé », c’est, « Vous devez travailler plus. Et vous serez payé plus » Aucun syndicat ne peut accepter cette obligation imposée. On va faire fuir une grosse partie des jeunes médecins.
Vous l’avez compris, l’enjeu de cette convention est énorme pour nos patients. Les négociations ne sont pas finies. Il y a un risque important qu’elles échouent, laissant nos patients sans prise en charge médicale supplémentaire pendant encore 5 ans. Il reste seulement une semaine. L’intelligence de chacun va-t-elle aboutir à un projet pertinent ?
Dr Matthieu BLONDET, médecin généraliste
Pour aller plus loin :
- Médecin du 21eme siècle de l’Académie de Médecine
- Motifs d’installation des médecins
- Rapport du HCAAM -Organisation des Soins de proximité : Améliorer l’accès de tous à des soins de qualité