L’annonce du décès brutal du Professeur Thierry Frébourg, le samedi 13 mars, nous a littéralement sidérés et plongés dans une grande tristesse.

Thierry Frébourg avait fondé à Rouen le service de génétique en 1996, au moment de la création du DES de génétique. Grâce à sa ténacité, il avait réussi à regrouper les différentes composantes de ce service : consultations de génétique médicale, laboratoire de génétique moléculaire et laboratoire de cytogénétique.

En parallèle, il avait créé un petit groupe de recherche qui allait devenir l’unité INSERM U 1245 consacrée à la génomique et à la médecine personnalisée dans le cancer et les affections neurologiques, avec quatre orientations : les formes héréditaires de cancer, la génomique des lymphomes et des tumeurs solides et le développement de marqueurs personnalisés du cancer, la génétique de la maladie d’Alzheimer et des démences, les bases épigénétiques du développement cérébral. Fin 2014, son projet de « Centre de génomique et de médecine personnalisée » avait été labellisé par L’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, organisation qui oriente et coordonne la recherche médicale en France.

Il avait acquis une renommée internationale dans le syndrome de Li-Fraumeni, syndrome de prédisposition à de multiples cancers, ainsi que pour ses contributions scientifiques majeures.

Au-delà de ce parcours professionnel exemplaire, il nous revient de parler de cet homme d’exception qui a marqué beaucoup d’entre vous, alors étudiants de PACES, et qui en a marqué d’autres lors de sa participation aux Journées Médicales Havraises de 2011.

Quiconque l’avait rencontré ne pouvait être insensible à sa grande intelligence, une intelligence doublée d’un esprit curieux et  tournée vers la transmission de son savoir. Son sens pédagogique  et son impressionnante éloquence lui permettait d’enseigner avec beaucoup d’aisance et précisément des notions compliquées.

Cette supériorité intellectuelle lui avait donné une autorité naturelle dans le monde de la génétique, car elle allait de pair avec une énergie inépuisable, celle d’un travailleur inlassable et passionné. Mais cette passion ne se résumait pas à celle du chercheur. Il était aussi totalement impliqué dans son métier de médecin.

En effet, Thierry Frébourg prenait à cœur les soucis de ses patients. Certains ont pu admirer la douceur avec laquelle, en consultation, il prenait en charge un peu de leur fardeau. D’autres comme nous-mêmes avons été marqués par sa manière d’animer les Réunions de Concertation Pluridisciplinaires : attentif aux réflexions de chacun, soucieux de partager les toutes dernières publications internationales en relation avec le patient dont on discutait, recherchant une attitude consensuelle pour finalement décider la meilleure attitude diagnostique ou préventive, sans jamais chercher l’escalade, pour le malade qui restait toujours au centre de ses préoccupations. Il était aussi très attentionné pour ses collaborateurs et c’était toujours un plaisir de le rencontrer, dans les couloirs d’un congrès, nous accueillant les bras ouverts et par un immense sourire.

Nous parlerons enfin d’une qualité devenue rare : son élégance car Thierry Frébourg, toujours tiré à quatre épingles, en costume et pochette de soie, pouvait paraître « vieille France ». Mais cette élégance ne se limitait pas à son apparence extérieure, elle traduisait son souci constant de perfection dans son travail et dans ses rapports humains.

En conclusion, nous dirons que ce fils de capitaine au long cours a tenu la barre de ce rafiot devenu paquebot de la génétique humaine normande avec enthousiasme, courage et exemplarité.

Nous avons perdu  un grand médecin, un grand scientifique, un homme d’exception dont la perte est considérable. Le monde de la génétique française est en deuil.

Dr Valérie LAYET, généticienne au GHH

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