Dr Christophe JARDIN vous propose cette lecture :

Les lazarets, une autre forme de confinement

Chaque époque porte des événements qu’elle croit nouveaux. L’année 2020 semblait, par son alignement de chiffres élégants, augurer d’un temps rond et serein. C’était sans compter sur l’enclenchement brutal de la crise de la COVID-19. La chute n’en est que plus violente. Le basculement radical des destins donne l’impression de vivre un cataclysme exceptionnel. Un bouleversement funeste, oui, mais exceptionnel, pas vraiment. Le navigateur attentif à l’inscription de l’Histoire dans son horizon marin sait qu’il n’en est rien : à l’entrée de nombreux ports stratégiques pour le commerce ou la migration s’élèvent des bâtiments insolites, souvent perchés sur des îles : les lazarets. Leur fonction ? Isoler, le temps d’une quarantaine, individus et marchandises suspects de contact avec des maladies contagieuses, pour se prémunir de catastrophes. L’exemple du Grand-Saint-Antoine porteur de peste reste aigu dans l’histoire de Marseille : entre corruption et précipitation pour livrer à temps des marchandises pour la foire de Beaucaire de 1720, le capitaine du trois-mâts passera outre la quarantaine en lazaret. Bilan : plus de 120 000 morts en Provence, sans compter ailleurs…

Quarantaine sous air marin

Le premier lazaret maritime européen fut construit 300 ans avant cette tragédie, en 1423, sur l’îlot Santa Maria di Nazareth dans la lagune vénitienne. De très nombreux autres suivront, acteurs incontournables pour la survie du commerce toujours plus mondialisé. Le phénomène n’est donc pas seulement méditerranéen. On en construit sur les côtes Atlantique, en Manche et en Mer du Nord. Le lazaret de l’île de Trébéron, au sud-ouest de la rade de Brest, est sinistrement éloquent : à quelques encablures, l’île des Morts… On imagine l’angoisse des confinés observant le va et vient funeste entre les deux lieux… Plus au nord, dans la rade de Saint-Vaast-la-Hougue (Manche), le lazaret de Tatihou est ordonné en 1721 par Louis XIV pour protéger de la peste la zone septentrionale du royaume, après le drame de Marseille. Les bateaux jetaient l’ancre, débarquaient marchandises et hommes qui entraient dans le lazaret par la très symbolique « porte sale ». Après leur quarantaine, ils retrouvaient leur navire de l’autre côté de l’île en franchissant… la « porte pure ».

L’Alcatraz des virus

Aux antipodes de ces îlots à lazaret chassant virus et bactéries par des fumigations de plantes aromatiques et des constructions conçues pour ventiler, « flottent » des îles encore moins accueillantes, scellées dans le plus grand des secrets. Riems en est, véritable paradis des virus – ou enfer des hommes – niché sur la côte allemande. Ne songez pas y accoster, l’île, hautement stratégique, est fermée au public. Elle abrite l’Institut Friedrich-Loeffler, un des plus anciens centres de recherche en virologie du monde, fondé au début du XXe siècle. En leur temps, les nazis y ont travaillé sur la mise au point d’armes biologiques. Aujourd’hui, de grands bâtiments austères abritent des laboratoires travaillant sur des centaines de virus parmi les plus dangereux pour l’homme : Ebola, la dengue, Zika… et maintenant le coronavirus. L’espoir d’y développer un vaccin suscite beaucoup d’impatience. Pour ce faire, l’Institut « élève » vaches, alpagas, sangliers, moustiques, sous très haute surveillance, bien entendu.

Accéder à l’article complet rédigé par Véronique MICHEL, Diplômée de l’Ecole du Louvre et titulaire de l’agrément de conférencier du Ministère du Tourisme et de la Culture, elle a travaillé pendant dix ans pour la galerie parisienne Marwan Hoss. Installée en Espagne depuis 1997, elle est chargée de conférences en Histoire des arts, cultures et religions du monde à l’Institut Français de Barcelone.

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