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Docteur, j’ai mal quand je mastique !

Douleurs, craquements, claquements et blocages des articulations temporo-mandibulaires sont des plaintes de plus en plus fréquentes de la part de nos patients. Ces symptômes définissent le syndrome Algo-Dysfonctionnel de l’Appareil Manducateur (ou SADAM) anciennement syndrome de Costen ou syndrome DCRS (Douleur, Craquement, Ressaut, Subluxation) et plus récemment renommé DAM (Désordre de l’Appareil Manducateur).

Ce syndrome se rencontre dans les 2 sexes et à tout âge mais préférentiellement les jeunes femmes entre 20 et 40 ans ; une personne sur deux en serait atteinte, mais une personne sur dix consulte, essentiellement celle qui en souffre. Les douleurs sont d’origine musculaire à point de départ articulaire et sont majorées par la mastication. Elles s’associent à un véritable syndrome myo-facial de voisinage, le long des muscles masticateurs (masséter, temporal et ptérygoïdien latéral), au niveau de l’oreille (avec parfois des acouphènes), au niveau du reste de la face, des scalènes et des trapèzes. Elles s’accompagnent parfois de bruits articulaires lors de l’ouverture buccale (claquement, craquement ou sensation de sable dans l’oreille) et de trouble de la cinétique mandibulaire (limitation ou déviation de l’ouverture buccale).

Il n’y a pas à proprement parlé de pathologie de l’articulation temporo-mandibulaire et la symptomatologie est essentiellement dû à une hyperfonction musculaire secondaire. Cette anomalie de fonctionnement musculaire peut être dû à un trouble de l’articulé dentaire, un traumatisme facial, une chirurgie mais le plus souvent, elle est liée au stress, il s’agit alors de Bruxisme. Le Bruxisme peut s’accompagner de grincements de dents, on parle de bruxisme « excentré », mais peut également être silencieux, il est alors dit « centré ». Il est assez aisé d’en faire le diagnostic puisque l’on retrouve souvent des facettes d’usures au niveau des dents (cf. le sourire de Didier Deschamps) et une hypertonie au niveau des muscles masséters (cf. mâchoire d’Arnold Schwarzenegger).

Le premier stade du SADAM est souvent dit « musculaire » dominé par les algies oro-faciales, puis les spasmes et contractures musculaires finissent par avoir un retentissement sur les structures ligamento-capsulaires de l’articulation définissant le stade « articulaire ». Le ménisque (on parle plutôt de disque) n’est plus maintenu dans l’articulation et se luxe vers l’avant lors de l’ouverture buccale (luxation discale réductible) entraînant le fameux claquement. Avec le temps le disque se déplace de plus en plus vers l’avant jusqu’à rester coincé (luxation discale irréductible), le claquement disparaît et laisse place à une limitation douloureuse de l’ouverture buccale motivant souvent un passage aux urgences.

Le diagnostic est avant tout clinique et une simple radiographie panoramique est prescrite pour dépister d’éventuels remaniements des surfaces articulaire. L’IRM avec des clichés dynamiques, bouche ouverte, bouche fermée, permet d’étudier avec précisions les anomalies de positionnement du disque. Cet examen était très utile pour poser une indication opératoire, mais la chirurgie articulaire (type arthroscopie,  discopexie ou condyloplastie) est devenue rare et l’indication de cet examen reste marginale.

Le traitement du SADAM est maintenant bien codifié et repose, en plus d’un traitement médicamenteux (Antalgique, AINS ou décontracturant musculaire), sur le triptyque : kinésithérapie, gouttière et gestion du stress.

  • La kinésithérapie, idéalement réalisée par un(e) kinésithérapeute spécialisé(e) cherche à obtenir un relâchement de tous les muscles masticateurs mais également des autres muscles faciaux et cervicaux. En plus des massages, le kinésithérapeute peut travailler sur des techniques de relaxation, de respiration ou de positionnement lingual.
  • La gouttière dite de « surélévation occlusale » ou de « reconditionnement neuromusculaire » cherche à diminuer la pression articulaire et amène progressivement à un relâchement musculaire. La gouttière est capable de faire céder les douleurs et de régler les désordres articulaires mineurs. Elle est portée la nuit pendant 3 mois et est efficace dans près de 90% des cas.
  • La gestion du stress et de l’anxiété est primordiale dans ce contexte afin de pérenniser les résultats de relaxation musculaire par kinésithérapie et gouttière. Les patients sont encouragés à effectuer de la relaxation, du yoga, de la sophrologie ou tout autre activité leur permettant d’évacuer les tensions. L’hypnose semble donner d’excellent résultat sur le bruxisme.

En cas d’échec de cette thérapeutique ou en cas de bruxisme sévère, il est admis de proposer l’injection de toxine botulique. La toxine diminue la contraction des muscles en bloquant la jonction neuromusculaire et a ainsi une action myorelaxante. L’autre intérêt notable est l’amélioration des contours du visage en cas d’hypertrophie des muscles masséters. Ces injections se pratiquent en consultation sans anesthésie et sont prise en charge par la sécurité sociale. Au total 100 unités de toxine botulique A sont injectée en 2 points d’injection au niveau des muscles masséters et un point au niveau du muscle temporal. Les résultats sont perceptibles au bout de quelques jours et durent entre 4 et 6 mois.

Dr Christophe MOURE, Chirurgien maxilo-facial, Clinique des Ormeaux

Dr Hassen CHEMLI, Chirurgien maxilo-facial, Clinique des Ormeaux

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