Cas clinique
Chaque semestre, je reçois des internes en stage à mon cabinet. Ces internes sont en autonomie, ils reçoivent donc mes patients dans mon bureau. A la fin de chaque journée est organisé un temps de débriefing ensemble afin de s’assurer des prises en charge et faire évoluer l’étudiant dans sa pratique professionnelle.
Fin juin, mon étudiant, un peu désinvolte, me parle d’une des consultations du jour. Il avait reçu un patient d’une quarantaine d’années, sans antécédents notables, actif, sportif, sans facteur de risque cardio vasculaire : « Alors là je n’ai pas compris pourquoi il venait. Il l’a raconté un truc bizarre, que le dentiste lui avait conseillé de voir rapidement le médecin pour une histoire de gencives, je n’ai pas su quoi faire ».
J’avais vu ce patient il y a quelques mois, pour un motif quelconque, et on avait évoqué des céphalées de fin de journée qui s’amélioraient avec une hydratation, et nous avions conclu qu’il ne buvait pas suffisamment en journée. Cette demande du dentiste fait résonnance à une rencontre avec le Dr VOLLMER, dentiste, dans le cadre de l’AHFMC. Elle nous expliquait qu’un déséquilibre systémique pouvait se manifester par des troubles parodontaux.
Mon patient a donc fait une biologie, dont la glycémie à jeun à 2,57g/l avec hémoglobine glyquée à 9,6% ne laisse pas de doute sur le diagnostic de diabète déséquilibré. Un rendez-vous est donc organisé de nouveau pour annoncer le diabète, amorcer le bilan étiologique et discuter thérapeutiques.
Plusieurs points me posent problème :
- Je trouve que ce patient sans facteur de risque décompense sur un mode assez brutal, et me pose la question d’un diabète type 1 ;
- Ce patient a une activité professionnelle qui impose le travail en hauteur, et je me pose la question de la sécurité à son poste, il refuse l’arrêt de travail ;
- Je propose une ALD que mon patient refuse car il est en cours d’achat immobilier et que ça peut poser problème pour l’emprunt ;
- Enfin, je pars en congés prochainement pour 3 semaines et je ne suis pas à l’aise à l’idée de le laisser dans cette situation instable
Finalement je vais trouver les solutions auprès de mes collègues et de mon patient :
- Le diabétologue m’orientera par téléexpertise sur les bilans à proposer à mon patient, qui reviendront en faveur d’un diabète type 2
- L’infirmière en pratique avancée va recevoir ce patient à plusieurs reprises en quelques semaines, ce qui a permis une éducation du patient à sa maladie, une surveillance de l’instauration du traitement et la mise en place d’un suivi conjoint
- J’insiste auprès de mon patient sur sa situation professionnelle. Une collaboration avec le médecin du travail aurait pu se mettre en place, mais mon patient a la chance de travailler dans une entreprise qui lui a aménager temporairement son poste
- Enfin pour l’ALD, il n’y avait pas d’urgence à faire la demande, car les frais médicaux actuels étaient tous pris en charge par l’assurance maladie et la mutuelle. A lui de remplir le questionnaire des assurances de prêt.
Que conclure de tout ça…S’ouvrir aux autres professionnels de santé, discuter avec eux, échanger sur des sujets médicaux…un simple appel, un mail, se rencontrer en formation…
Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite (Henry Ford)
Dr Elsa FAGOT-GRIFFIN, médecin généraliste